« Toutes les deux minutes, une plainte est déposée à la police pour une violence gratuite »

Le récent drame du conducteur de bus de Bayonne est l’exemple parfait d’une violence gratuite. Une agression mortelle pour un contrôle d’un ticket, d’un masque. Est-ce seulement imaginable? C’est pourtant ce qui s’est passé ce dimanche soir devant l’arrêt de bus « Balichon » où une marche blanche eu lieu hier soir en soutien à la famille de Véronique et de ses deux filles. Quelle est la genèse de ces violences? Le pédopsychiatre, Maurice Berger, explique dans son livre « De la violence gratuite » (L’Artilleur, 2019) quels sont les facteurs qui aboutissent très tôt à cette violence sans aucun but.


En effet, Maurice Berger, pédopsychiatre dans un centre éducatif renforcé (CER), constate que ces violences gratuites sont en constante augmentation et qu’au delà de cela, là où après une traduction devant la justice, 85% des jeunes changeaient de comportement il y a quelques années, ils ne sont plus que 65% aujourd’hui.

A ce moment précis de violence gratuite, l’autre n’est plus un être humain, il devient un objet, un défouloir sur lequel on relâche ses propres tensions.


Impunité croissante, violence croissante!

Rappelez-vous le jeune Marin Sauvajon, aujourd’hui handicapé à vie, agressé gratuitement lui aussi. Lorsque les agresseurs sont mineurs, ils s’en sortent avec du sursis et s’ils sont majeurs, ils ressortiront deux fois plus vite que prévu pour « bon comportement en prison » avant la prochaine récidive
« Quand on n’est pas puni, on recommence » , souligne Maurice Berger.


La «ghettoïsation» et la «stigmatisation» ne sont pas les causes de la violences

C’est une idéologie de penser que la précarité, la pauvreté sont les causes de la violence. D’ailleurs les causes de la violences sont multifactorielles et ce serait trop simpliste de dire, c’est la ghettoïsation, c’est ceci, ou c’est cela. Les causes sont ailleurs : un jeune qui est violent a subi ou a constaté la violence tout petit:

« 69 % des adolescents très violents ont été exposés à des scènes de violences conjugales pendant les deux premières années de leur vie. Ils ont en eux l’image violente de leur père qui resurgit lorsqu’ils subissent une bousculade ou un mauvais regard »

Ces enfants, pas choyés par leur mère, livrés à eux-mêmes, ne recevant aucune affection, n’ont pas appris « à faire semblant« , à être dans le jeu. En fait, « détruire, comme frapper, c’est le jeu de ceux qui n’ont pas d’imagination ». Au lieu de jouer, ils « jouent » « pour de vrai ».

Petit, leur mère ne leur a pas sourit, elle n’a pas échangé avec son enfant, de ce fait, le jeune ne sait pas lire les émotions sur le visage. Dans son livre, le médecin, qui a étudié les comportements des jeunes et moins jeunes hyper violents constate que :

« 50% des jeunes agresseurs ne savent pas déchiffrer les émotions sur le visage« 

Deux hypothèses à cela : la première serait une difficulté neurologique à reconnaître les visages, la deuxième serait que l’enfant n’a pas rencontré l’effet miroir de son émotion sur le visage de sa mère. Les émotions sont alors inconnues, c’est un langage qu’il ne comprend pas et dès lors qu’il va se sentir regardé étrangement, il se sentira menacé et agressera lui-même cet autre. Qui dit pas de lecture des émotions, dit aussi aucune empathie pour l’autre. Pourquoi se sentirait-il coupable, ils ne réalise pas et après un acte violent mortel, il ira jusqu’à dire :


« Il aurait dû mourir un jour de toute manière« 


C’est la famille qui est responsable des comportements violents

Ces enfant ne connaissent pas l’interdiction, tout est permis au sein de la structure familiale. La violence, c’est finalement la loi du plus fort qui s’applique faute de lois internes à la famille.

« Dire non, poser un interdit, c’est accepter de ne pas être aimé, temporairement par son enfant « , c’est la responsabilité des parents, et cela, ce n’est ni le rôle de l’école ni le rôle des clubs de sports

« Nous, nous n’avons pas besoin d’agir pour savoir que la loi existe, alors que ces sujets n’ont pas la loi dans la tête, certains me disent que les lois ne servent à rien, et ils ont besoin d’un interdit d’agir réel et non symbolique, d’une butée matérialisée, pour comprendre que la loi a une existence et arrêter de commettre des actes au moment même où cela leur vient à l’esprit. « 

Souvent, il va falloir attendre une décision de justice juste, ferme pour que la famille prenne conscience de ses propres dysfonctionnements et commence à analyser ce qui s’est passé.

Pendant un temps, plus ou moins long, les centres, les prisons vont être des lieux de « privation de la liberté de frapper » et peut-être espérons-le, un lieu d’apprentissage sur soi-même. Et le plus tôt sera le mieux.

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