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Tribune de Julien Aubert: La République “des copains et des coquins ?”

Tribune de Julien Aubert, député LR du Vaucluse, parue sur Valeurs Actuelles: Comme en 2017, mais avec encore plus d’acuité, la question des conflits d’intérêts, de l’argent en politique, est en train de s’installer au cœur de la campagne et le venin du soupçon d’empoisonner la démocratie. Si elle a profité à Emmanuel Macron la dernière fois, son attitude, ses silences et ses pratiques grises risquent cette fois-ci de déchaîner une défiance démocratique sans précédent.  

En effet, soyons lucide : ce n’est pas pour son programme très vague – ni grâce à ses talents d’orateur – qu’Emmanuel Macron a bénéficié du soutien populaire en 2017. Le contexte judiciaire très particulier et le dégagisme, qu’il a suscité, ont davantage joué que son originalité pour permettre à l’ancien banquier d’affaires de réussir un hold-up.
Ce que les Français n’ont réalisé que tardivement, c’est qu’il s’était appuyé sur la mobilisation souterraine et efficace de mécènes très fortunés évoluant au sein du capitalisme hexagonal ou dans les milieux d’affaires étrangers. Comme l’ont révélé les MacronLeaks, le candidat était bel et bien celui de 800 personnalités richissimes, essentiellement franciliennes, étrangères et expatriées, qui ont financé à elles seules à l’époque la moitié de la campagne, en utilisant tous les ressorts légaux possibles.


Macron aurait dépensé près d’1 smic par jour pendant 3 ans

Lui-même avait gommé tout ce qui pouvait trop le rattacher à la banque d’affaires. Il en avait même fait un peu trop, en présentant un patrimoine à peine supérieur à Jean Lassalle (310.000 euros). Banquier, ça eut payé, aurait-dit Fernand Raynaud.
Nul n’avait trop voulu creuser sur ses 3 millions de revenus “officiels” entre 2009 et 2013 qui s’étaient tout bonnement volatilisés. Le candidat avait dû probablement dépenser près d’un SMIC par jour entre 2009 et 2012.

Cette incongruité mise à part, qu’un candidat soit financé par des personnes fortunées n’est pas en soi choquant: la démocratie est à ce prix, une campagne à un coût. Ce qui interpellait dans l’odyssée macronienne, c’était l’ampleur inédite de la levée de fonds (16 millions soit plus de deux fois Sarkozy en 2007).


Une politique qui favorise les ultra-riches

Ce qui interroge aujourd’hui c’est la contrepartie de ce soutien. Pour les bonnes fées d’Emmanuel Macron, une partie de leur investissement réalisé n’a pas été à fonds perdus et s’est même révélé un bon investissement avec des mesures fiscales qui ont permis un gain de pouvoir d’achat de 2,8% pour le 1% de Français les plus riches, et même 4% pour les 0,1% les plus fortunés. Si ce retour d’ascenseur – certains appelleraient ceci du clientélisme – peut sembler politiquement ou moralement choquant, il n’en est pas moins légal.


Le cas Alstom qui occupé toute la place financière de Paris

En revanche, ce qui est plus dérangeant, ce sont les autres contreparties, réelles ou supposées, à destination des amis du président. La commission d’enquête sur Alstom présidée par le député Olivier Marleix a ainsi détecté en 2018 un possible «pacte de corruption» autour de la vente de ce joyau industriel: alors que cette banque d’affaires a empoché 12 millions d’euros dans ce « deal » en 2014, de nombreux associés de chez Rothschild figuraient parmi les premiers donateurs d’En marche en 2017.
De son côté, Bank Of America en a obtenu 10 et s’est distinguée en embauchant en juillet 2014, soit en pleines négociations, David Azéma, directeur général de l’Agence des participations de l’État, chargé d’étudier l’entrée de la puissance publique au capital… d’Alstom.


Une enquête qui échoue aux portes l’Elysée

L’exemple d’Alstom n’est pas un cas à part. Malheureusement, à plusieurs reprises au cours du mandat, des opérations à la légitimité industrielle faible – comme le rapprochement Suez/Veolia ou l’affaire des chantiers navals de l’Atlantique – ont été pointées du doigt avec l’ouverture d’enquête sur des trafics d’influence remontant à l’Élysée. Toujours dans le même registre du mélange des genres, citons le recrutement, en plein débat parlementaire sur la question, par Bank of America de Bernard Mourad pour gérer le processus de participation à la privatisation d’Aéroport de Paris (ADP) et de la Française des jeux (FDJ).
Il se trouve que ce financeur de la campagne de Macron l’avait justement orienté en 2008 vers la banque d’affaires. Tous ces signaux faibles conduisent à brouiller l’image d’un président dédié à l’intérêt général, par l’accumulation d’indices suspects de mélanges des genres permanents. À chaque fois, on retrouve un “ami” du président, ex-(ou futur) financeur.


L’affaire McKinsey, un condensé de la Macronie?

Dans ce contexte chargé, l’affaire McKinsey résonne particulièrement, car elle est un condensé de la macronie: tout d’abord une campagne de 2017 alimentée en hommes et en notes par McKinsey, puis un parti présidentiel dominé (et dirigé!) par les mêmes conseillers, et ensuite l’État qui devient lui-même – surprise – accroc aux analyses du cabinet.
Si personne ne conteste la nécessité d’avoir recours à du conseil, là encore les montants interrogent (1 milliard d’euros, soit l’équivalent de 5 000 places de prison) et surtout le côté opaque de cette opération: Emmanuel Macron a beau s’exonérer de toute responsabilité juridique, il ne saurait minorer le fait que ces contrats ont transité encore une fois par un de ses très proches (Karim Tadjeddine). Se dessine peu à peu le spectre d’un État mis au service d’intérêts privés, voire étrangers. Le mix est détonnant : pantouflage, endogamie, optimisation fiscale, favoritisme.


Le patrimoine de Macron rend perplexe les experts

Le scandale McKinsey surgit à un moment où la sincérité du président lui-même sur ses propres revenus ressurgit. Deux journalistes du média off-investigation ont ainsi voulu comprendre comment la déclaration de patrimoine du président en 2022 était de nouveau étrangement basse (550.000 euros) au vu de ses émoluments à l’Élysée (800.000 euros de traitement en 5 ans).
Cette enquête les a conduits à découvrir de manière fortuite qu’une partie de ses gains perçus comme banquier d’affaires – on parle ici de 5 à 10 millions d’euros, bien supérieurs aux 3 millions d’euros dont avait vaguement trace – n’avaient jamais été déclarés. Il s’agit de commissions versées au moment du “deal” entre Nestlé et Pfizer pour plus de 9 milliards d’euros, “deal” réalisé à l’époque par la banque Rothschild et piloté par Emmanuel Macron en personne. L’existence de trusts à l’étranger, couverts par un accord avec Bercy, a été évoquée.

Le fait qu’Emmanuel Macron n’ait jamais voulu s’expliquer, que personne – à part l’Humanité ! – n’ait osé questionner le pouvoir sur ces étranges oublis, que le Parquet National Financier qui a “fait” l’élection de 2017 soit aux abonnés absents, rappelle les vers de Shakespeare : 

«Il y a quelque chose de pourri au royaume de Macronie.»


Deux poids-deux mesures

Valérie Pécresse, dont la presse a largement commenté, disserté, disséqué le patrimoine en cherchant à tout prix – et en vain – un enrichissement frauduleux, n’a pas bénéficié de la même mansuétude. Pourquoi ce deux poids-deux mesures ?

Pendant que la noblesse politique batifole avec le monde des affaires en singeant l’atmosphère décadente des liaisons dangereuses, que la République des copains et des coquins étale sa joyeuse insolence dans les médias, le prix de la vie augmente pour les Français des classes moyennes et populaires.
C’est un chiffon rouge, dans un pays qui a connu les Gilets jaunes, alors même que les grands perdants du quinquennat qui s’achève ont été les 5% des ménages les plus pauvres.


Le Président doit s’expliquer

Le sujet n’est pas de diaboliser l’argent ou les riches, comme le fait l’extrême gauche. Il n’est pas de jeter aux chiens des noms en pâture ou d’éclabousser des milliers pour les agissements de quelques-uns, mais de veiller à ce que l’État reste l’instrument de la volonté générale ; que le premier des Français respecte nos lois ; qu’il fasse passer son intérêt après celui de la France.

C’est toute la différence entre un président et un monarque absolu, pour lequel les intérêts se confondent en sa personne, et qui ne rend des comptes qu’à Dieu. Emmanuel Macron n’est ni Jupiter ni un roi, mais un président élu: il doit s’expliquer et convaincre le peuple qu’il incarne toujours, lui et ses “amis”, la “République exemplaire”. S’il en est encore capable.

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