A l’heure où le déconfinement se précise, il est légitime de se projeter quelques semaines après que les français aient pu sortir de chez eux en évoquant l’avis de médecins spécalistes dans le domaine épidémiologique.
Martin Blachier, Médecin Santé Publique et dirigeant de Public health Expertise, a modélisé la mortalité en France en fonction des mesures de déconfinement prévues le 11 mai 2020 et de la manière dont elles seront mises en application. Cette modélisation a été réalisée avec les données de l’APHP, de l’Institut Pasteur de Paris et de Columbia University.
Une 2ème vague modélisée: 85 000 morts minimum à la fin août

« Jusqu’à présent, grâce au confinement, on a ralentit la progression du virus, c’est la première phase; lorsque l’on va déconfiner, le virus va exploser à nouveau, c’est la deuxième phase ». Martin Blachier
Schéma à l’appui (ci-dessus), le médecin francilien affirme que d’ici la fin du mois d’août, il y aurait 85 000 morts si l’on respecte parfaitement la distanciation physique et le port du masque. Ce chiffre passerait à 165 000 morts si le port du masque n’est pas appliqué. Enfin, si aucune de ces deux mesures barrières n’est respectées, nous atteindrions 200 000 morts! On en conclut que l’effet du masque est à peu près équivalent à la distanciation physique.
Le masque est à porter lorsque la distanciation physique (le fameux mètre) n’est pas remplie dans certaines circonstances de la vie, on pense notamment aux commerces et aux transports. On voit déjà combien cette distanciation sociale est difficile à respecter pendant le confinement lorqu’il y a 3 pelés et un tondu dans la rue. Demain, lorsque la vie reprendra son cours, la distanciation physique sera quasi impossible à respecter, notamment dans dans les grandes agglomérations, là où le virus circule davantage.
Les maires de la plupart de ces villes ont bien intégré cet enjeu puisque pour au moins les villes de Paris, Lyon, Nice et Bordeaux, ces élus souhaitent le port du masque le plus contraignant possible, a-delà des recommandations du gouvernement. Le but de ces barrières, c’est de maintenir un R0 (nombre de personnes qui sont contaminées par le porteur du virus) inférieur à 1,3. Avec cette valeur, le risque de deuxième vague s’éloigne. Par contre, au bout d’un moment, quand on implémente dans le modèle des mesures drastiques, la courbe prend une allure exponentielle, la deuxième vague est alors inéluctable, quelles que soient les mesures prises car le virus circule activement.
Ceci conduit à penser que seule l’association distanciation physique-masque obligatoire fonctionne, à bon entendeur.
Test + tracking : une efficacité pas certaine
Selon une étude du prestigieux Lancet portant sur une cohorte rétrospective chinoise, l’efficacité de ces deux dispositifs tests + tracking n’est pas certaine.
Du 14 janvier au 12 février 2020, le Centre de contrôle et de prévention des maladies de Shenzhen a identifié 391 cas de SRAS-CoV-2 et 1286 contacts étroits. Ils ont comparé les cas identifiés grâce à la surveillance des symptômes et à la recherche des contacts, et ont estimé le délai entre l’apparition des symptômes et la confirmation, l’isolement et l’admission à l’hôpital. Cette analyse montre que l’isolement et la recherche des contacts réduisent la durée pendant laquelle les cas sont infectieux dans la communauté, réduisant ainsi le R. Les enquêtes des cas contacts sont extrêmement indispensables en début d’épidémie.
Martin Blachier met en garde concernant le plan de déconfinement du gouvernement qu’il assimile à un « découpage qui va très rapidement être désué«
« Les gens pourront se déplacer de 100 km en 100 km, donc vous mettez les distances de 100 km les unes après les autres, on voit bien que le virus va très largement gagner les départements les uns après les autres ». (…) « Je pense qu’ils n’auront pas la réactivité suffisante, au début, c’est très silencieux et quand on s’en rend compte, il est déjà trop tard. Il aurait mieux valu adopter une stratégie nationale. D’autre part, le critère de disponibilité en réanimation est un critère qui n’est pas adapté aux caractéristiques du virus ni à la circulation virale. »
Confinons les 17 millions de personnes à risque jusque février 2021
Martin Blachier ose briser le tabou du confinement par catégories à risques dans le but d’éviter à nouveau une catastrophe sanitaire et économique.
« Les gens au-delà d’un certain âge et qui ont un certain nombres de risques, à savoir l’obésité, l’hypertension artérielle, une insuffisance respiratoire chronique et probablement certains insuffisants rénaux », doivent limiter les contacts, se déplacer dans des endroits peu denses.
Pour le Professeur Raoult, la deuxième vague, « c’est de la science fiction »
A rebours de beaucoup de scientifiques, Didier Raoult dans une de ses nombreuses publications sur Youtube, ne croit pas à une seconde vague, ce qu’il a encore confirmé dans une interview à BFMTV le 30 avril 2020.
« Encore une fantaisie » (…) « Des infections respiratoires dans lesquelles il y a une seconde vague, il n’y en a pas. Donc je ne vois pas pourquoi il y en aurait pour celle-là. » (Didier Raoult, le 30/04/2020)
Sauf que, d’après Martin Blachier, cette analogie avec des épidémies où il n’y a pas eu de confinement n’est pas pertinente, car avec le confinement, on a cassé l’épidémie avant qu’elle ait finie sa courbe et l’hypothèse saisonnière ne trouve pas de signes tangibles.
Le professeur Christian Drosten, virologue allemand surnommé le « virologue des virologues », en poste à l’hôpital de la Charité à Berlin, est sur la même ligne. Il rappelle que les 50 millions de morts de la grippe espagnole sont survenues pendant la deuxième vague, avec des infections liées et a l’impression que sa voix n’est pas assez entendue :
« Pour beaucoup de gens, je suis le méchant qui ralentit l’économie » (Christian Drosten, le 24/04/2020)
Au delà de la question d’un rebond de l’épidémie, ce qui cimente la crainte de la plupart des scientifiques comme Didier Raoult consiste dans le suivi des séquelles de ce coronavirus y compris chez les asymptomatiques, comme la fibrose pulmonaire. Une seule chose est sûre : ce virus n’a pas livré encore ses derniers secrets… ni ses derniers morts!