Dix huit ans après Les Territoires perdus de la République, un nouvel essai d’un autre auteur devrait faire autant de bruit, non seulement grâce à son sujet, mais aussi pour la rigueur de ses constats et analyses qui défrisent d’ores et déjà. Il s’agit des Territoires gagnés de l’Islamisme aux Editions PUF, Bernard Rougier, professeur à la Sorbonne-Nouvelle analyse la manière dont une quantité très importante de quartiers sont tombées dans les griffes des islamistes.
Et tord, au passage, le cou à la doxa majoritaire qui veut que les sanglants attentats terroristes soient commis par des « loups solitaires », en surlignant le rôle central de l’environnement dans les attentats qui ont endeuillés notre pays au cours des dernières années.
« C’est un ouvrage sur l’action d’entrepreneurs religieux qui, à travers le maillage d’espaces physiques, cherchent à contrôler la population d’origine immigrée de confession musulmane »
Bernard Rougier (Le Figaro, 28/01/2020)
La gauche en colère
Le livre a reçu un accueil particulièrement hostile dans le camp de la gauche. Ainsi, François Burgat, de Libération y voit une façon de flatter « l’obsession islamophobe des Français » et « la machine française à stigmatiser et à marginaliser ses citoyens de confession musulmane qui fabrique des ghettos sociaux« .
La réponse de Bernard Rougier à ces critiques est cinglante :
« A travers l’accusation d’islamophobie, l’enjeu est d’empêcher la production de connaissances. Notre livre montre ce qui se passe, il montre qu’un certain nombre de personnes minent le pacte républicain de l’intérieur, empêchent des ascensions sociales. L’islamisme est une machine à détruire la France ».
Bernard Rougier
L’étude du terrain
Avec ses étudiants arabophones qui ont quadrillé le terrain pendant 4 ans, il se fond dans les quartiers islamisés et décortique les structures de l’islam politique dans notre pays.
Entre les tablighs, les frères musulmans (autour de Tariq Ramadan, petit-frère du fondateur de ce mouvement, Nabil Ennasri ou Ahmet Ogras), son substrat, les salafistes puis les djihadistes, il y aune continuation dans la haine de la France, de la mixité et de la laïcité. Retour sur ces 4 familles poreuses les unes les autres.
Le mouvement Tabligh est une mouvance prosélyte et ultrafondamentaliste présente en France depuis 1966. (Wikipedia) Ses adeptes font de la prédication de rue mettant en garde contre une société occidentale mécréante.
Les Frères musulmans, qui lutte de manière non violente contre les États laïcs et sont considérés comme terroristes dans plusieurs grands pays, comme l’Arabie Saoudite. Ils ont compris toutes les aspérités de notre état de Droit, qu’il soit français ou européen: ils utilisent l’opinion américaine contre nos lois, judiciarise à tire-larigot, en amalgamant les droits de l’homme et les revendications religieuses. Ils cherchent à détruire toutes les figures historiques qui cimentent le peuple français, dans le sillage des « décoloniaux« , ainsi que son rapport à le repentance. Et c’est là que le terme « islamo-gauchiste » prend tout son sens.
L’écosystème salafisme qui permet le passage à l’acte violent
Le salafisme (mouvement des pieux ancêtres) est un mouvement de l’Islam sunnite, qui n’est monté en puissance en France qu’à partir des années 2000, sous l’influence de l’Arabie Saoudite wahhabite, qui a contribué à donner de l’argent pour construire des mosquées, des écoles confessionnelles sous contrat, et des livres de spiritualité. Son argent est aussi affecté aux Pèlerinages de Medine et de La Mecque, ainsi qu’à l’apprentissage de l’arabe. Si les cheikhs salafistes condamnent (du bout des lèvres cependant) le terrorisme, leur objectif est clairement expansionniste.
Ce courant de pensée, qui se présente comme un « islam des origines », tendant à reproduire la vie des musulmans du VIIème siècle, et appliquant les hadiths (paroles présumées du prophète). Le salafisme fait un aller-retour permanent entre les douleurs contemporaines (comme les caricatures de Mahomet) et la vie fantasmée des premiers musulmans. Ses règles interdisent d’écouter de la musique, de lire autre chose que des textes religieux, et de ne pas avoir d’ami chrétien ou juif… Le salafisme fixe des digues entre lui-même et les autres musulmans, et a fortiori les non-musulmans. L’objectif final est que l’islam salafiste devienne l’islam tout court. Et l’effet mécanique de cet endoctrinement est le départ pour les zones de combat comme la Syrie ou l’Irak.
Un fort repli communautaire
Les islamistes en France ont pour stratégie d’occuper le terrain partout, dans les mosquées bien sûr, mais aussi les salles et terrains de sport, les fast-foods, les librairies et les écoles. Dans chacun de ses lieux, il s’agit de tracer une ligne entre le juste et de l’injuste, l’autorisé et de l’interdit et le halal et le haram. La pression sur la façon de s’alimenter et de s’habiller est un levier puissant pour imposer son pouvoir. Une fois que cette emprise sur toutes les catégories de la vie sociale est réalisée, il n’y a plus de possibilité, pour un quelconque musulman vivant sous cette mainmise, d’en sortir.
Les terroristes pensent accéder au Paradis, mais réenchantent aussi leur passé
Pour l’Etat islamique, à travers des fatwas spécifiques, tout acte qui s’exerce aux dépends des mécréants n’est pas hors des clous dans le chemin de la vie conforme aux volontés du Prophète. Cela efface les braquages et trafics en tous genres. Et la technologie est aussi l’allié de ces entreprises meurtières. Les futurs combattants s’échangent par messagerie des textes religieux et des discours anti-occidentaux.
Quelques solutions contre l’islamisme
Il faut poursuivre de manière impitoyable les propos de haine (anti-juif, anti-france, anti-homo, par exemple) des prédicateurs islamistes.
D’après Bernard Rougier, ce qui manque dans les banlieues islamisées ce sont des figures charismatiques qui injectent de la culture, de la littérature et du sport non-islamisé pour selon son expression, « ringardiser » les religieux. Leur permettre d’exercer leur foi comme la laïcité sous sa forme actuelle les y autorisent déjà sans être accusés de « trahir ». Des gens qui ont un succès économique, qui reconstituerait une classe moyenne éduqué et tolérante, qui leur permette de créer un lien distancié avec l’Islam politique, le cauchemar de tous les intégristes.
La prison, incubateur de l’islam politique
La prison est le lieu privilégié de diffusion des discours religieux et des pratiques rigoristes. On l’a vu à travers des agressions de surveillants de prison (comme à Vendin-le-Vieil en janvier 2018), les islamistes cultivent en prison l’agressivité qu’ils ont en dehors. Et les méthodes actuelles de déradicalisation sont également dans le collimateur de Bernard Rougier:
« Tous les modèles d’analyse de la déradicalisation sont calqués sur les modèles psychologiques établis aux Etats-Unis après le 11-Septembre, alors que les contextes américain et européen n’ont rien à voir ».
Bernard Rougier (Marianne, 14/01/2020)