Pour combattre l’islamisme, il faut du courage et ne pas céder à la loi du nombre. Et malgré le temps des bougies et de l’émotion légitime, nous en manquons des deux, collectivement.
Il y a 18 ans, un ouvrage collectif coup de poing paraissait : il s’agit des Territoires perdus de la République, qui traitait de l’antisémitisme, du racisme et du sexisme à l’école notamment parmi les jeunes d’origine maghrébine. Son coordonnateur, l’historien Georges Bensoussan, signant Emmanuel Brenner, revient pour Marianne sur ce qui a changé ou non depuis ce livre-événement qui a été boycotté par quasiment toutes les chaînes de radio et de télé.
«En France, à l’instar d’autres situations historiques, la lâcheté demeure le parti dominant».
Georges Bensoussan, dans Marianne, 18/10/2020
À propos de « Pas de vague »
À propos du hashtag #PasdeVague lancée suite à la sortie d’une arme factice dans un lycée de Créteil en octobre 2018 et réactivé à la suite de la décapitation d’un des leurs, les professeurs nous laisse à voir que l’Education Nationale a ceci de commun avec les médias bien-pensants, qu’ils sont structurellement dans le conformisme et l’omerta. D’ailleurs, en 2002, à l’époque de son livre, le ministère de l’Éducation Nationale avait refusé de communiquer aux rédacteurs des Territoires perdus le moindre incident lié au séparatisme musulman. Il faudra attendre le rapport Obin deux ans plus tard pour que la vérité ne fasse surface.
« Un chef d’établissement, soucieux de sa carrière, n’a pas intérêt à faire état d’une multiplication d’incidents »
Georges Bensoussan, dans Marianne, op cit.
Tel ou tel enseignant rechignera à faire remonter des incidents venant d’enfants d’autres cultures de peur de passer pour un mauvais pédagogue, ou pire, un affreux islamophobe (lire notre dossier sur ce thème). En d’autres termes, les plus discrets sur ces sujets explosifs seront les mieux évalués.
Du reste, la libération de la parole des enseignants a fait surgir quelques témoignages qui questionnent sur la volonté réelle de la rue de Grenelle de protéger effectivement ses professeurs, à l’image de ces professeurs dans les manifestation en hommage au prof décapité :
Une prof d’histoire-géo menacée d’un couteau et d’un « Je vais t’envoyer Daech, salope » dit ne pas avoir été soutenue par l’Education Nationale. Elle a dû être exfiltrée de son collège.
Et que dire de cette autre, au récit trop précis pour être fantasmé :
Notre socle éducatif basé sur le « cogito » cartésien et l’héritage des Lumières a subi de plein fouet le choc de cette autre vision du Monde qu’est l’Islam et tout ce qu’il charrie de représentations du monde.
Islam, erreurs de diagnostics
Pourquoi est-ce si dur de poser le bon diagnostic sur le choc civilisationnel entre monde arabe et occidental? Comme l’écrivait magistralement Alexis Brézet du Figaro.
« Le bourreau du professeur d’histoire/géo Samuel Paty et les militants islamistes ont le projet de remplacer la République par un régime «pur» gouverné par la charia. Ce ne sont pas des séparatistes, ce sont des conquérants. »
Alexis Brézet, Le Figaro, édito (payant du 18/10/2020)
D’une part, du point de vue de la gauche universaliste, ne pas voir l’islamisme sous l’angle d’une immigration massive et mal intégrée (l’extrémisme vu comme un refuge à la relégation) nous masque le problème plutôt que de l’affronter. Ou pour l’exprimer différemment, du point de vue de la droite, l’immigration irrégulière est un substrat idéal pour le terrorisme islamique.
Comment déconstruire cette construction fallacieuse d « Islam politique » ? Car l’Islam est politique en lui-même. Et pour cause, ce monothéisme régit toute la vie des croyants, et est à la fois un code juridique, politique et spirituel, n’a connu, à la différence de ses prédécesseurs, que des réformes qu’à la marge. Et ceci transparait dans le le langage bien-pensant: On ne parle jamais de prêtre modéré, mais bien d’imam modéré.
Quand à la définition fine de l’islamisme, elle est encore plus difficile à accéder sans être une spécialiste de la culture, comme Anne-Marie Delcambre:
« L’intégrisme n’est pas la maladie de l’Islam. Il est l’intégralité de l’Islam. Il en est la lecture littérale, globale et totale de ses textes fondateurs. »
Anne-Marie Delcambre, agrégée d’arabe, L’Islam des interdits (Desclée de Brouwer, 2003)
Un monde intellectuel établi paralysé par la peur qu’il a entretenu contre ses adversaires
Trop timorés à nommer l’adversaire, prompt à excommunier toutes paroles vitrifiées dans l’expression « fachosphère », la sphère médiatico-culturelle, moralisatrice et profondément bourgeoise, ne marche plus sur ses deux pieds, mais tourne continuellement sur lui-même. Il s’agit pour lui de « parler pour ne rien dire », en égrenant deux poncifs: « Ca n’a rien à voir avec l’Islam » et, plus pernicieux sans doute car plaqué sur un réalité tout sauf française: « Les musulmans sont les premières victimes » (NB: Ce sera l’objet d’un futur article). Sans oublier les figures obligées que sont le « loup solitaire » et le « déséquilibré ». Entre ces deux opinions rabâchées et jamais discutées, toute opinion doit invariablement retomber d’un des deux côtés du paradigme des trouillards : l’axe du bien et l’axe du mal.
Quand la commission Stasi s’est réunie en juillet 2003, le thème du livre « Les territoires perdus de la République » a commencé à émerger mais a surtout provoqué une levée de bouclier contre Georges Bensoussan, dont l’anonymat sur la couverture n’a duré que le temps qu’il soit débusqué.
Par la suite, à la tête de la revue du Mémorial de la Shoah, en 2015 Bensoussan a eu le tort aux yeux des censeurs d’utiliser l’expression « islam conquérant » au sujet du génocide arménien. Il fut pour ce motif seul, convoqué devant le Centre National des lettres pour devoir faire pénitence. Si l’on répond à la critique, l’on s’expose inévitablement au procès à l’aune des « heures les plus ombres ».
Depuis plusieurs années, au delà du cas Bensoussan, on ne compte plus les interdictions intériorisées de pouvoir librement publier ses vues sur l’islam, y compris les fameuses caricatures de Charlie Hebdo.
Il faut en finir avec la judiciarisation du débat d’idées. Ne pas perdre de vue que c’est de la 17e chambre correctionnelle que menaçaient certains parents le professeur d’histoire-géographie décapité par la suite. Et imposer la pluralité dans les institutions publiques, comme la radio ou la télévision d’Etat. Tel est le prix de la liberté de penser le réel.