Chez les Républicains (LR), trois mouvances idéologiques, de tailles et d’histoires différentes s’affrontent sur la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. La fracture du parti, fragilisé par son score des présidentielles puis des législatives, continue de s’agrandir pour le plus grand bénéfice d’Emmanuel Macron.
Retailleau, Marleix, Ciotti, Pécresse: les craintifs de l’opinion
Comment expliquer que les LR soient passés d’une position d’âge de départ à la retraite de 65 ans à un âge de 64 ans? Le nouveau chef des Républicains, Eric Ciotti, dont c’était la première position officielle, a souligné le mercredi 21 décembre 2022 que le passage à 65 ans « serait trop brutal« , rejoint en cela par les deux représentants de la droite au Parlement, Bruno Retailleau et Olivier Marleix, rejoints par Valérie Pécresse.
Quelques jours avant Noël, Eric Ciotti est apparu comme un allié de circonstance pour Emmanuel Macron lorsque ce dernier voyait une désapprobation des français à sa réforme à travers les sondages (54% des français n’en veulent pas).
A plusieurs reprises, les sénateurs, sous l’égide de Bruno Retailleau, avaient déposé un projet de loi demandant l’âge de départ à la retraite à 65 ans, tel qu’il figurait dans le programme de la candidate Valérie Pecresse et avant elle, de François Fillon (alignement des régimes de retraites et du public et une part de capitalisation).
Craintifs, ils ont cédé sur l’âge du départ à la retraite, ni vu ni connu, de 65 à 64 ans pour éviter les mouvements sociaux, qui, inéluctablement éclateront dans quelques jours. A ce stade toutes les oppositions ne sont pas logées à la même enseigne. Par exemple, l’âge de départ à 64 ans était une proposition d’Eric Zemmour pendant la campagne présidentielle.
Chez LR, un simulacre de négociation avec Elisabeth Borne de 100€ supplémentaire sur les petites retraites ne faisait qu’entériner la proposition d’Emmanuel Macron datant d’avril 2022, où il voulait « augmenter à 1.100 euros le minimum de pension pour une carrière complète y compris pour les personnes qui sont déjà à la retraite et pas seulement pour les futurs retraités« .
Lisnard: l’ultime avatar du libéralisme à la française
Le Maire de Cannes et Président de l’Association des maires de France, David Lisnard, est le seul à penser différemment. Selon lui, le sytème par répartition ne peut plus être. Sous la Libération, on comptait 4,1 actifs pour 1 retraité et aujourd’hui, c’est 1,7 actifs pour 1 retraité. Quid de l’évolution démographique (effondrement des naissances dû notamment aux réformes de Hollande sur la politique familiale, allongement de la durée de vie) avec une entrée sur le marché du travail de plus en plus tardive.
David Lisnard parle de « sado réformisme » pour définir la réforme d’Emmanuel Macron, à savoir soit on cotise plus, soit on gagne moins, soit on travaille plus.
Son idée, c’est une réforme équilibrée avec 2/3 par répartition (assurant le filet de sécurité) et 1/3 par capitalisation. Ce système « mixte » a fait ses preuves en Suède ou en Allemagne.
La démographie, mère de toutes les batailles ?
Parmi les points que les Républicains n’ont pas abordés dans cette première phase de la « mère des batailles », il y a la politique démographique de la France. Elle n’est pas abordée par le Gouvernement. Pas plus qu’une politique en faveur de la natalité pour régler le problème à la racine comme l’explique Patrick Stefanini dans la Matinale de CNews de ce jour. C’est un sujet existentiel pour la droite. Car ne nous y trompons pas, pour le prochain texte sur l’immigration qui est un appel d’air supplémentaire bien enrobé, les Républicains ne devront pas retomber dans le piège de l’alliance de circonstance.
Bertrand et Pradié : « une retraite injuste »
Dans le camp de ceux qui ne voteront pas la réforme, il y a la galaxie Pradié-Bertrand. Pour Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France, cette réforme est « injuste, profondément injuste » car pour les français qui ont commencé à travaillé tôt, souvent les moins payés, ce sera la double peine: 43 ans de cotisation et départ à 64 ans! Il considère, que les 43 ans de cotisation suffisent à elles seules. En clair, il demande une réforme encore plus à gauche.
Même son de cloche pour Aurélien Pradié :
Le système par répartition est une idée de gauche
Au find, d’où vient le malaise chez les républicains? Malaise qui confine à l’asphixie quand on lit Maxime Tandonnet prophétiser la mort de ce parti? Nous payons aujourd’hui la politique de gauche mise en place sous François Mitterand (en 1983) en abaissant l’âge de départ à la retraite à 60 ans.
Comment les LR, pour qui la propriété est dans leur ADN, ont-ils pu tomber dans le panneau d’Emmanuel Macron? Il n’a pas accepté que sa « retraite à points » n’ait pas pu aboutir, et s’est alors rabattu sur l’idée de sa potentielle rivale, Valérie Pécresse, en décidant in fine un âge de départ à 64 ans.
De leur côté, les LR ont toujours parlé d’un rallongement du départ à la retraite, ils ont même déposé des projets de lois en ce sens. Le Président Macron, qui s’était fait élire en 2017 sur la promesse de ne pas changer l’âge de départ à la retraite, et qui a renouvelé cette promesse en 2019 en mettant en avant le faible taux d’emploi des séniors (un taux d’emploi des séniors à 35,5% chez les plus de 60 ans), va se trouver en difficulté dans les prochaines semaines pour justifier son volte face.
Les économies de bout de chandelle de cette réforme
Selon les premiers éléments chiffrés dont on dispose, ce serait 10 à 15 milliard/an d’économie, une goutte d’eau au regard de l’état de délabrement de nos comptes publics.
– du déficit budgétaire de 180 milliards €
– de dette publique de près de 3.000 milliards € qui a augmenté de 600 milliards € en trois ans (2019-2021). La France est devenue le pays le plus endetté de la zone euro devant l’Italie.
– du déficit du régime de retraite de la fonction publique de 30 milliards € par an (dans l’hypothèse où les cotisations seraient les mêmes dans le privé et le public)
« Parti de gouvernement », telle est l’expression à la mode chez les Républicains pour justifier son ralliement à la cause sur la question de la réforme des retraites. Pourquoi n’avoir pas mis sur la table la politique nataliste, de lutte contre la fraude sociale et une politique de maintien de l’emploi des séniors, vraies valeurs de droite?