Georges Pompidou, une vie au service de la modernisation de la France (2/5)

Chaque semaine, Jean-Paul Delbert, journaliste, vous propose de découvrir une tranche de vie de Georges Pompidou (1911-1974). Cette semaine, retraçons son parcours de l’enseignement au statut d’homme-clé auprès du Général de Gaulle. Bonne lecture!

Lire: La première partie du portrait

Monsieur le Professeur Pompidou

En 1938, Georges Pompidou devient professeur au lycée Henri IV. Un de mes amis, sous sa direction, traduisit et commenta l’Enéide de Virgile et les Annales de Tacite. Il se souvient aussi des lectures organisées en classe par Pompidou. A l’une d’elles, mon ami récita le deuxième acte du Chapeau de Paille d’Italie, et, en fin d’année d’études il trouva dans son livret scolaire ce témoignage du professeur: « Bon élève, très bon s’il le voulait ».

Il entretient avec ses élèves des relations fraternelles:

« Je crois m’être prouvé à moi-même, confesse-t-il, qu’on pouvait être efficace, ne pas être ennuyeux et être ouvert sur le monde sans verser dans la vulgarité ni dans le désordre intellectuel » (Pour rétablir une vérité, p.20, Flammarion 1982).


Il se découvre « gaulliste de cœur »

En 1939, le sous-lieutenant Pompidou part pour la guerre. Affecté au 141e régiment d’infanterie alpine, il devient officier de renseignements du Colonel Manhès. Promu lieutenant, il participe à plusieurs combats, notamment dans la Somme, qui lui valent la Croix de guerre.

A partir du 18 juin 1940, il écoute la radio de Londres, et il se sent aussitôt un gaulliste de cœur, persuadé que l’Allemagne sera vaincue. Parlant du Général, il confie à un ami :

« Il y a dans les accents de ce militaire quelque chose qui ne trompe pas. C’est l’homme qui nous fera remonter la pente avant qu’il soit longtemps ».

Après l’armistice de 1940, il rentre à Paris pour reprendre ses activités professorales. En 1942, il adopte un fils, Alain Pompidou, un futur médecin spécialiste du VIH. Les années sombres s’achèvent et soudain éclate la libération de la France. Pompidou assiste à la descente des Champs-Elysées par le Général de Gaulle, et en ces jours d’exaltation, il rêve à une république meilleure.


Des liens avec le Général très particuliers

A la fin de Septembre 1944, grâce à son ami René Brouillet, qu’il a côtoyé sur les bancs de l’École normale supérieure, il entre au cabinet du Général de Gaulle comme chargé de mission:

« L’idée de travailler auprès du Général et pour lui me transportait… Il apparaissait comme un être de légende, un héros mythique ». (ibidem, p. 32).

Le nouveau chargé de mission s’occupe de l’Information et de l’Education Nationale. Il est spécialement chargé du projet de réforme de l’Enseignement. Le Général ne tarde pas à remarquer ce collaborateur capable de distinguer l’essentiel dans les affaires. Il admire sa prudence, ses vues concrètes; et peu à peu des liens se tissent entre eux. Dans ce poste, Pompidou interviendra plusieurs fois pour sauver de l’épuration certains malheureux qui se sont bêtement fourvoyés.

Malheureusement, la situation politique se dégrade. Déçu par l’attitude des formations partisanes, le Général démissionne de ses fonctions de chef du gouvernement provisoire en janvier 1946. Quelques mois plus tard, en septembre 1946, Pompidou entre au Conseil d’Etat et il occupe conjointement le poste d’adjoint au Commissariat général du Tourisme. A ce dernier titre, il organisera, en mai 1948, l’exposition: « Huit siècles de civilisation britannique ».

Son fils Alain témoigne de l’amour de son père, l’auvergnat, pour Paris:

Les diverses fonctions de Georges Pompidou ne l’éloignent pas du Général, retiré à Colombey-les-Deux-Eglises. Choisi comme trésorier de la Fondation Anne de Gaulle, il aplanit maintes difficultés d’ordre matériel par son savoir-faire, et cela le rapproche un peu plus de la famille de Gaulle.
A partir du 7 avril 1947, le solitaire de Colombey passe à l’action en créant le Rassemblement du peuple français. On étudie toutes les réformes à promouvoir dans le pays, et Pompidou participe activement à ces discussions et au Centre des Hautes Etudes dont Michel Debré est l’initiateur pour élaborer un projet de Constitution. A la fin de 1947, le Général écrit à Pompidou en remerciement de ses vœux:

« L’avenir ne nous appartient pas. Mais, s’il s’y prête, sachez que je compte sur vous, et avec une entière confiance » (Charles de Gaulle).


Le « fantastique réalisme paysan »

Il devient chef de cabinet du Général, en avril 1948, poste qu’il occupe tout en assumant ses fonctions au Conseil d’Etat. Même s’il n’a aucun passé politique et n’appartient à aucun parti, il devient le principal conseiller de l’homme du dix-huit Juin. En 1949, il renonce à ses activités au commissariat général du Tourisme pour donner un cycle de conférences à l’Institut des Sciences Politiques. En 1951, les élections amènent 120 députés du R.P.F. au Palais-Bourbon, mais le groupe est trop faible pour imposer le retour au pouvoir du général de Gaulle.

En 1954 paraît le premier volume des Mémoires du chef de la Résistance. C’est Pompidou qui a préparé l’édition auprès de la Maison Plon. Cette même année, il se retire du Conseil d’Etat pour entrer, le 1er février 1954, comme Fondé de pouvoir à la banque Rothschild. Le baron Guy de Rothschild apprécie les qualités de son collaborateur, son sens pratique méticuleux qu’il appelle « son fantastique réalisme paysan ». Pompidou ne tardera pas à devenir directeur général, et il le restera jusqu’en 1962. Malgré tant d’occupations, il voit souvent le Général et leurs rencontres sont toujours fructueuses. Le chef de cabinet apporte à Colombey des observations de première main sur le monde politique.

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