guerre d algerie tetiere

Témoignage exclusif d’André P., sergent en Algérie en 1955

J’avais eu l’occasion de mentionner qu’une partie de mon service militaire s’était déroulé en Algérie et je peux, bien volontiers, vous en faire un bref récit. Image d’illustration – Plaque commémorative à Sète. Auparavant, il me semble souhaitable et bien plus important de vous rappeler quelques points concernant le nouveau visage de notre pays, les changements qui s’opèrent, la menace de plus en plus présente de l’Islam radical dénoncée tout récemment par un rapport du Sénat. Qu’en sera-t-il, à l’avenir? Verrons nous, plus encore, des quartiers, des pans entiers de notre pays sortir de la République?

Nous l’avons constaté tous, il a été bien facile pour les dirigeants algériens, de quémander encore tout récemment et plus encore d’exiger des excuses de la France pour l’engagement colonial du passé, laissant entendre que les difficultés encore actuelles de ce pays résultaient de ce passé.


20% du budget de l’État Français

Il faut souligner tout ce que notre pays avait apporté et légué à l’Algérie depuis 1962, date de l’indépendance :

 »En 1962, la France a légué à l’Algérie un héritage exceptionnel et non des  »broutilles » et des  »choses sans valeur », à savoir 54.000 kilomètres de routes et pistes ( 80.000 avec les pistes sahariennes ) 31 routes nationales dont près de 9.000 kilomètres étaient goudronnées, 4.300 kms de voies ferrées, 4 ports équipés aux normes internationales,23 ports aménagés (dont 10 accessibles aux grands cargos dont 5 qui pouvaient être desservis par des paquebots) 34 phares maritimes, une douzaine d’aérodromes principaux, des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages, etc.), des milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels, 31 centrales hydroélectriques ou thermiques, une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc, des milliers d’écoles, d’instituts de formations, de lycées, d’universités avec 800.000 enfants scolarisés dans 17.000 classes (soit autant instituteurs dont deux-tiers de français) un hôpital universitaire de 2.000 lits à Alger, Oran et Constantine, 14 hôpitaux spécialisés et 112 hôpitaux polyvalents soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants. Sans parler d’une agriculture florissante laissée en jachère après l’indépendance.
Tout ce que la France légua à l’Algérie avait été construit à partir du néant, dans un pays qui n ‘avait jamais existé et dont même le nom fut donné par la France. Tout avait été payé par les impôts des français ; Daniel Lefeuvre a montré qu’en 1959, toutes dépenses confondues , l’Algérie engloutissait 20% du budget de l’État Français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Éducation nationale, des travaux publics, des transports, de la Reconstruction et du logement, de l’Industrie et du commerce .  »

A préciser et cela est d’une grande importance, que l’Algérie comptait alors 10 millions d’habitants dont 1 million d’européens. On lui en attribue maintenant 50 millions sur son sol et on peut raisonnablement penser que les 8 millions établis en France ne resteront pas inactifs dans ce domaine. Huit millions, ce chiffre ne serait-il pas sous estimé. Tenir compte aussi des pays voisins et souligner la grande capacité de reproduction évidente. (J’avais produit ces chiffres de mémoire, une vérification faite ces jours derniers, indique 9.370.000 en 1954 bien proche des 10 millions indiqués par mes soins en 1956 et 43.900.000 actuellement, chiffre également  bien proche des cinquante millions annoncés.)

Et puis, il faut y ajouter les quelques 8 millions que l’on retrouve en France (sans compter ceux émigres dans un certain nombre de pays voisins) et ce chiffre de 8 millions est-il exact ? Non  minoré ? Et que dire des nombreux descendants dont la naissance est intervenue en France et considérés, par la loi, comme français et qui n’accepteront jamais de se comporter comme tels.

Voir aussi l’information diffusée par notre ami Lequin dont il faut retenir avec un peu de retenue sa « théorie du coucou » attribuée à la situation où il mentionne qu’en l’absence des colons, les algériens ont épuisé leurs ressources puis sont venus s’installer en France comme le coucou mettre l’occupant hors du nid.

Je peux, aussi, comme chacun de vous, m’étonner à juste titre de la facilité avec laquelle les édifices religieux et pas seulement les cathédrales, brûlent (voir notre article sur Nantes) où sont l’objet de destruction.


À propos de la mission Stora

Le Président de la République vient de confier à l’idéologue Benjamin Stora, né en 1950 à Constantine, une mission sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Mais qui est Benjamin Stora ? Son passé le prédisposait-il pour une telle action ? Tout d’abord membre du groupe trotskyste  «alliance des jeunes pour le socialisme», organisation de jeunesse communiste, il fut un des principaux fondateurs du syndicat UNEF-ID avant de rejoindre le parti socialiste.


Une brève histoire de ma vie

Oui, né voici bien longtemps et plus précisément en 1934, je fais partie d’une génération qui tend tout naturellement à disparaître mais à qui, les difficultés et les épreuves successives ne furent pas épargnées en première partie de son existence :

  • Déclaration de Guerre en 1940. Exode ou plutôt, selon le vocabulaire employé à cette époque  » Évacuation » mais c’était pour beaucoup la fuite avec des moyens divers. Ce fut en voiture pour ce qui nous concerne, parents, grands-parents et les 6 enfants pour un séjour de quatre mois près de Saint Nazaire avant de regagner Lambersart.
  • Il nous fallut ensuite et ce, pendant quatre ans, supporter la présence des allemands, les bombardements, synonymes de fuites précipitées vers la cave, les cartes et restrictions de ravitaillement et puis enfin, adolescents et majeurs, nous préparer à partir au Service Militaire d’une durée de 18 mois mais dont Guy Mollet nous assurait qu’il passerait, à brève échéance… rapidement à 1 an (Ah, les promesses politiques…)  Pour moi, comme pour la majorité d’entre nous, cela dura 28 mois et plus encore pour d’autres nous précédant, 32 ou 33 mois.

Quelle était, alors, la situation de la France ?

Certes, elle se relevait des épreuves de la guerre mais sa position se compliquait en Indochine où la tentation d’y envoyer le contingent fut, un moment, d’actualité.

Ce fut ensuite la défaite de Dien Bien Phu et ses graves conséquences. Quant à l’Algérie, sa situation était peu connue des simples mortels que nous étions et la Toussaint 1954 (Toussaint rouge) fut le départ des lâches attentats qui se multiplièrent.

Le 15 juin 1955, départ vers la caserne. Je rejoignais le 1er Régiment de marche du Tchad qui, de retour d’Indochine, avait pris ses quartiers à Pontoise. La cohabitation fut difficile entre les jeunes appelés que nous étions et ces soldats de carrière déçus et parfois frustrés revenant d’un séjour qui fut loin d’être idyllique.

Caporal puis Sergent, passant du 1er Régiment de marche du Tchad à un bataillon de chasseurs portés puis au 21éme RI au moment de gagner l’Algérie.

Je ne passerai pas sous silence un événement peu banal qui fut à deux doigts de me faire découvrir le canal de Suez. Pour s’opposer à Nasser qui venait de le nationaliser, la France, l’Angleterre et Israël avaient décidé d’une intervention en commun et on battait le rappel, de toute urgence, des soldats de notre régiment bénéficiant, comme c’était mon cas, d’une courte permission.

Accompagnement familial, à la gare, difficile avant d’apprendre, dans la nuit que les Etats-Unis et l’URSS menaçaient ces trois pays de représailles si ils persistaient, ce qu’ils ne firent pas. Quelques jours plus tard, nouveau départ bien réel, cette fois, mais à destination de l’Algérie.

Pour ce faire, train rudimentaire au départ de Mourmelon qui se mettait en branle après une longue attente. Casse et dégâts provoqués par une fraction de soldats ce qui nous valut une arrivée à Port-Vendres très encadrée et surveillée. A ce sujet, il faut savoir que le parti communiste encourageait de telles actions en signe de protestation.

Embarquement sur L’El Mansour, gros paquebot accomplissant la traversée jusqu’à ORAN en 24 heures mais que de malades, situation que j’ai pu observer et souffrir personnellement de ce mal de mer lors des deux allers-retours sur ce paquebot dont l’une me permettant de bénéficier d’une permission de quelques jours.           


L’arrivée en Algérie

Sitôt arrivés sur le sol algérien, la distribution d’armes et munitions avait pour effet de tempérer les ardeurs des plus dissolus. Mais que la ville d’ORAN était belle, accueillante. J’eus l’occasion, à plusieurs reprises, de le vérifier avec, semble-t-il, et autant que je me souvienne, beaucoup d’habitants originaires d’Espagne.

Combien est insupportable le fait de savoir qu’un grand nombre de ceux-ci, tout comme les harkis restés fidèles à la France, furent massacrés, d’horrible façon, après l’accession à l’indépendance. Honte !
J’eus l’occasion, plus encore, de découvrir Sidi Bel Abbes, que j’appréciais d’une façon particulière.

Mais revenons à notre arrivée où, en camions, nous avons rejoint la commune de BAUDENS désertée par un grand nombre de ses habitants et pour cause. Nous habitions, mon équipe et moi même, une maison rendue libre où ne subsistaient que… les pigeons. Un fait particulièrement notable, cependant, la remise en état de l’école où les cours allaient être dispensés par un militaire, me semble t-il. Inauguration ou plutôt réouverture de cette école un samedi après midi en présence du Préfet venu pour la circonstance.     

Horrible attentat dans le même temps sans que le Préfet, bien éloigné, ait, d’une manière quelconque, eut à en souffrir mais, bien sur, rapporté par les journaux et notamment La Voix du Nord qui, dans son édition du lendemain titrait en première page:  »A Baudens, le préfet Lambert échappe à un attentat ».

Moi, qui assurait à celle qui devait devenir ma femme et à qui j’adressais un courrier chaque jour, ainsi qu’à mes parents que tout était calme et sans danger, fut surpris par la réaction de mon Père qui me le reprochât vivement.

Que mentionner de toute cette période alors que 63 années se sont écoulées même si des souvenirs plus précis que d’autres demeurent? D’une façon générale je retiendrai la duplicité comme le semblant d’allégeance manifesté à tous instants, la fourberie, les faux-semblants.
Mentionner la triste condition des femmes, hors villes tout au moins et leur fuite éperdue quand nous pénétrions dans un douar.
Mauvais coups se traduisant par des embuscades, des destructions, des crimes. Tout déplacement, tout ravitaillement hebdomadaire donnait lieu à un accompagnement dont la date restait secrète.

Mentionner également les riches propriétés prospères et particulièrement bien entretenues en ces temps mais qu’en reste t’il aujourd’hui ?


Aux bords du désert

Seconde partie de mon séjour algérien et départ du 21éme RI pour Crampel. Ce n’est pas une ville mais un camp retranché aux abords du désert. Sa particularité est d’être un point d’accueil pour les nomades qui viennent, à dos de chameau, livrer, en quelque sorte, une grande fibre qui, à notre grand étonnement est recueillie, par eux, dans ces contrées. Il s’agit d’ALFA qui servira, mais évidemment pas là, à la production d’un papier de très haute qualité spécialement apprécié, nous dira-t-on, des Anglais. Installation rudimentaire pour compresser ces fibres mais aussi point d’eau auquel se ravitaillent les nomades. Camp bien aménagé avec des miradors assurant la tranquillité. A signaler cependant la chaleur excessive de certaines saisons et surtout le vent violent qui s’érige souvent en tempête à mi-journée.


La libération du contingent

Grande déconvenue en juin où le gouvernement, une nouvelle fois est remplacé et où nous apprenons que la libération du contingent est retardé. Il nous faudra attendre fin août pour que cela devienne réalité ; Enfin, une nouvelle vie s’ouvre pour nous. Toutefois et avant d’en terminer, permettez moi d’apporter quelques précisions :

Tout d’abord, je n’ai pas mentionné le comportement de l’Organisation de l’Armée secrète (OAS) présent, par la suite, après le retour aux affaires du Général de Gaulle.    

Dans un tout autre domaine, j’aurais pu faire état, initialement, de l’existence d’un mouvement concurrent du FLN dirigé par Messali Hadj. Il s’ensuivit des heurts violents et de nombreux morts.        

Mais il m’importe aussi et surtout de ne pas passer sous silence les chiffres révélateurs de cette tragédie :

  • On estime à 2 millions le nombre de soldats (appelés et rappelés) qui servirent en Algérie entre 1954 et 1962 auxquels il faut ajouter 90.000 harkis.
  • Au total, présence de 400.000 soldats, 25.000 morts, 65.000 blessés, 485 disparus. Ne les oublions jamais!

Un grand merci à André, gaulliste de toujours, pour son témoignage.

Un commentaire

  1. MERCI Monsieur de ce témoignage essentiel pour la compréhension de notre situation actuelle. MERCI d’avoir communiqué ces informations de votre VECU qui doit éclairer l’opinion – actuellement aveugle, sourde, manipulée et violente dans le mauvais sens.

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