Assisses sans jury populaire: le coup de gueule d’Eric Dupont-Moretti

Dans la réforme de la justice de mars 2018, une disposition particulière n’a pas beaucoup retenu l’attention des grands médias mais mérite d’être mis dans le lumière: il s’agit de la disparition des jury d’assises des cours d’assises. La première audience de ce type s’est déroulée le jeudi 5 septembre 2019 sans qu’aucune voix forte ne souligne ce changement de paradigme.

"Ainsi, le peuple français se trouve supplanté par des magistrats professionnels".

Dans cette nouvelle configuration, cinq juges font face à l’accusé. Si les jurys populaires restent la règle pour les crimes punis de plus de 20 ans, comme le terrorisme ou tout autre crime de sang, en revanche pour la majorité d’entre eux, passibles d’entre 15 et 20 ans de réclusion, les décisions se feront désormais sans les six citoyens tirés au sort. Cette tradition remonte à la Révolution française, à l’apoque où ces chambres s’appellaient « tribunaux criminels départementaux ».

Le Président de l’association des avocats pénalistes de France, Maître Christian Saint-Palais se désole de cette évolution qui a fait fondre depuis plusieurs années la place et le nombre des jurys populaires dans notre Justice:

“Cette nouvelle réforme n’est qu’une nouvelle pierre à l’édifice pour faire disparaître les jurys populaires de la justice. Nous allons vers une disparition complète, c’est inéluctable” (Christian Saint-Palais)


Opposition de tous côtés

Pour le député LR Antoine Savignat, le vote dans la nuit de jeudi à vendredi, en pleine loi d’urgence sanitaire traduit « l’augmentation d’une expérimentation sur laquelle nous n’avons aucun retour », rejoints en cela par les groupes insoumis et communistes. (Le Point) La précipitation dans laquelle a été votée cette prolongation de l’expérimentation (dans les départements du Calvados, du Cher, de La Réunion, de Moselle, de Seine-Maritime et des Yvelines alors qu’ils devaient se déployer plus longuement et plus largement sur la carte judiciaire) concentre une grande partie des critiques.


Même son de cloche du côté d’Éric Dupond-Moretti, le célèbre avocat pénaliste franco-italien, qui a exprimé son opposition à cette nouveauté de Madame Belloubet dans une interview pour France info

Éric Dupond-Moretti : « On a utilisé le Covid-19 pour supprimer la cour d’assises. C’était dans certains esprits qui ne veulent pas du contradictoire que peut apporter le jury populaire », dénonce sur franceinfo vendredi 15 mai, maître Éric Dupond-Moretti, après la décision de l’Assemblée nationale d’étendre l’expérimentation des cours criminelles (5 magistrats professionnels, sans jury populaire) à 30 départements en raison de l’épidémie de coronavirus. « L’intervention des citoyens, c’est une bouffée d’oxygène dans le corporatisme des juges », soutient l’avocat pénaliste. « J’ai peur que ces habitudes soient pérennes, j’ai peur que les petits abandons entraînent des grands », redoute Éric Dupond-Moretti.

Franceinfo : Ne plus avoir de jury populaire qu’est-ce que ça change pour le justiciable ?
Éric Dupond-Moretti : C’est la mort de la cour d’assises. La justice dans ce pays est rendue au nom du peuple du français et le peuple en est exclu. Certains magistrats ont profité de l’épidémie du Covid-19 pour réaliser leurs vœux et supprimer la cour d’assises, pour en faire quelque chose de professionnel. Il faudrait être rassuré, mais je ne le suis pas du tout. Le barreau n’a pas été consulté, tout cela s’est fait à la hâte. C’est un projet de la chancellerie fait par et pour les magistrats. On ne veut plus du jury populaire dans ce pays. Lire la suite de l’interview

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