Pour ou contre les «statistiques ethniques»?

Dans un climat de manifestations antiracistes depuis l’affaire Georges Floyd auquel s’ajoute le débat sur les violences policières en particulier envers les personnes dites de « couleur », le débat sur les statistiques ethniques – interdites en France – renaît. Rejetées par François Hollande en 2015, elles ont refaits surface aujourd’hui avec les déclarations de Sibeth N’Diaye qui considère :

Pourquoi ne pas poser de manière apaisée et constructive le débat autour des statistiques ethniques », (…) Cela permettrait de « mesurer et regarder la réalité telle qu’elle est ». (BFMTV, 13/06/2020)

A droite, comme nous allons le voir, ce débat a déjà cours depuis de nombreuses années.

Julien Aubert considère, dans les colonnes du Figaro, les « statistiques ethniques » comme parfaites pour débattre sur le racisme avec des données fiables et non opposables au lieu de multiplier les débats à l’aveugle avec des a priori ancrés dans les esprits.

Pour l’élève d’Henri Guaino, ces données permettraient d’étudier la répartition des ethnies sur le territoire français et de localiser précisément les « ghettos« . Elle permettrait également suivre l’évolution démographique de manière plus détaillée.


Des données démographiques à l’américaine

De la même manière qu’aux Etats-Unis et selon un modèle « auto-déclaratif« , les citoyens alimenteraient la base de données de l’INSEE; il s’explique :

 «Ces statistiques ethniques permettraient d’apaiser le débat en objectivant la réalité. Elles aideraient à savoir s’il existe des territoires où les gens de couleur sont particulièrement visés car le fond du débat actuel est de considérer que la France est comme les États-Unis et qu’elle se doit de condamner des violences inacceptables commises contre les Noirs, au motif que les policiers seraient racistes et cibleraient les gens de couleur en priorité (Julien Aubert, 12/06/2020)

Pour Jean Messiha, du rassemblement National, le résultat serait exactement inverse:

« Cela permettra de mesurer la représentativité de la diversité dans la criminalité, la délinquance et la population carcérale. Et là ils seront mal. » (Jean Messiha, Twitter, 13/06/2020)


En désaccord avec Aurélien Pradié

Pour Aurélien Pradié, secrétaire général du mouvement LR, la droite ne doit pas tomber dans ce piège. Il faut continuer à se baser sur l’article 1er de la Constitution: la France «assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d’origine ou de religion», et cela, c’est en contradiction totale avec la notion d’ethnie!
Il considère que c’est antagoniste : si on veut respecter l’article 1er de la constitution, on ne peut pas catégoriser la population française par ethnie quel qu’en soit le motif. Le point commun de tous les français, c’est la République!

A l’inverse de la Grande Bretagne, par exemple, qui a pu étudier la mortalité du Covid-19 en fonction de l’ethnie, en France, cela est totalement impossible car les fichiers administratifs peuvent uniquement tenir compte du pays d’origine et de la nationalité mais en aucun cas de la race ou de la religion.


L’avis des démographes

Julien Aubert s’appuie en particulier sur les travaux de la démographe Michèle Tribalat, auteure de Statistiques ethniques, une querelle bien française (L’Artilleur, 2016). Ces statistiques, comme dans les pays anglo-saxons incluent la couleur de peau, l’ethnie et ces données permettent aussi l’analyse de l’immigration, l’intégration et l’assimilation. Pour Hervé Le Bras, démographe et ancien rédacteur en chef de la revue de l’Ined, « Population », il y voit une manoeuvre d’extrême droite.

Aujourd’hui, lorsqu’on entend Christophe Castaner qui serait « parfaitement à l’aise de le faire (Valeurs Actuelles – 9 juin 2020), c’est à dire « mettre un genou à terre » en solidarité avec les Noirs, on voit bien qu’il s’agit d’une récupération politique d’une partie de l’électorat car cette solidarité aussi sincère soit-elle, correspond bien à une catégorisation de la population!

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