Pour le Conseil constitutionnel, c’est inconstitutionnel de « surveiller » les ex-détenus terroristes une fois sortis de prison

C’est une une douche froide pour la majorité et une entrée en matière en forme de coup de pied de l’âne pour Eric Dupond-Moretti. Une lo. Votée par le Sénat le 23 juillet et par l’Assemblée Nationale le 27 juillet la Loi qui devait imposer des mesures de pointage ou de bracelet électronique à des auteurs d’infractions terroristes ayant purgé l’intégralité de leur peine, vient d’être censurée par le Conseil Constitutionnel ce vendredi 7 août 2020.


C’est la deuxième fois en quelques semaines qu’un texte de loi de l’ère Macron est massivement retoqué par le Conseil Constitutionnel. Rappelons-nous, le 18 juin 2020, la loi Avia contre la haine en ligne avait été censurée pour les trois quarts.


Les ex-terroristes : un menace prioritaire

Cette loi, portée par Yaël Braun-Pivet, la présidente (LREM) de la commission des lois de l’Assemblée nationale, prévoyait des mesures, applicables pendant un an et renouvelable jusqu’à dix ans :

La loi de sûreté contre les ex-détenus terroristes résumées en trois points :
demande spécifique au juge pour changer de travail ou de domicile
– obligation de pointer 3 fois par semaine dans un commissariat ou gendarmerie
port du bracelet électronique

Yaël Braun-Pivet, Raphaël Gauvain, député LREM de Saône-et-Loire, et Philippe Bas (LR), président de la commission des lois au Sénat, avaient tous deux proposé et validé des mesures allant dans ce sens.

En juin 2020, Jean-François Ricard, le procureur national anti terroriste avertissait son auditoire devant la commission parlementaire de suivi de la loi Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT) de la dangerosité des individus qui sortiront bientôt de prison:

« Nous avons plus qu’une inquiétude, une vraie peur, s’agissant des dizaines de personnes qui vont sortir de prison, qui sont très dangereuses et dont les convictions sont absolues. Elles constituent la menace prioritaire aujourd’hui. »

L’ex-chef du RAID – unité d’intervention de la police nationale –, Jean-Michel Fauvergue (LREM, Seine-et-Marne), a ainsi plaidé pour le rétablissement « de cette mesure phare de la proposition de loi », à savoir celle du bracelet électronique.

Qu’allons nous faire avec les ex-terroristes lorsqu’ils sortiront de prison? Cette question, Nicole Belloubet, ex ministre de la Justice, tenta d’y répondre en indiquant précisément le nombre de terroristes qui sortiront de prison les prochaines années, chiffres repris par Eric Dupont-Moretti, son successeur, le 21 juillet 2020 :

Nombre de condamnés qui sortiront de prisons pour des infractions terroristes :
2020 : 31
2021 : 62
2022 : 50


Après la reticence du Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel censure

Le Conseil d’Etat avait été consulté en amont et avait alerté sur le fait que les mesures de sûreté « se heurtent intrinsèquement à la difficulté consistant à imposer à une personne des mesures restrictives voire privatives de libertés en raison de crimes ou de délits qu’elles seraient susceptibles de commettre, appréciation nécessairement difficile et par nature plus exposée au risque d’arbitraire que la sanction ».

Une fois la loi votée, Richard Ferrand (LREM), Président de l’Assemblée nationale, 60 sénateurs et 60 députés de l’opposition de gauche, avait saisi le Conseil constitutionnel. Selon le Conseil Constitutionnel, c’est une atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale, en désaccord avec la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789.


80% de la loi a été censurée par le Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel est également en désaccord d’une part sur les durées des mesures de sûreté qui ne prennent pas en compte le quantum de la peine et d’autre part sur le fait que les mesures de sûreté seront décidées au regard de la peine initiale et non après étude de l’évolution de la dangerosité de la personne.

Seul point sur lequel le Conseil Constitutionnel est favorable, c’est sur le suivi sociojudiciaire des ex-terroriste, une fois leur peine exécutée.


La sortie sèche augmente la récidive

Depuis la loi antiterroriste de 2016, ils ne peuvent plus bénéficier de mesure d’aménagement et de suivi en fin de peine, dorénavant, ils sortent de prison et sont libres comme tout à chacun puisqu’ils ont purgé leur peine, c’est une sortie dite sèche.
Or, Les « sorties sèches » — sorties de prison sans aménagement de peine — augmentent le risque de récidive (cf site du Ministère de la justice – 2014).
Sans possibilités d’accès à un logement, à un travail, aux dispositifs de soins ou à des relations familiales et sociales, les personnes sortantes de prison se retrouvent isolées et démunies ce qui augmente le risque de récidive. Le cercle vicieux n’en finit plus.

Pas de liberté pour les ennemis de la liberté.
(Antoine de Saint Just)

François Fillon avait pu développer sa doctrine « contre le totalitarisme islamique » dans le livre du même nom. Il y insistait pour punir de 30 ans de prison «toute personne coupable d’intelligence avec l’ennemi» en application du livre IV du Code pénal, ainsi que d’expulser les étrangers qui «constituent une menace pour la sécurité du territoire». Mais malheureusement, c’est Emmanuel Macron qui a été élu…

Un commentaire

  1. précisons qu’un criminel ayant été condamné à 10 ans de prison et libéré au bout de 5 ans est considéré avoir purgé l’intégralité de sa peine!

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