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Elisabeth Badinter: la gauche s’est compromise avec l’islam politique depuis 30 ans

Pour la philosophe Elisabeth Badinter, la gauche institutionnelle s’est trahie depuis trente ans sur le combat de la laïcité, par lâcheté et par électoralisme. Il ne s’agit même pas ici d’islamo-gauchisme, mais de la gauche de gouvernement, trente ans en arrière.

Début novembre 1989, elle fait partie des intellectuels signataires d’un appel contre le « Munich de l’école républicaine » dans l’affaire de l’exclusion de trois élèves voilées du collège Gabriel-Havez de Creil. Au terme de ce cri, « Ne capitulons pas » (avec Elisabeth de Fontenay, Catherine Kintzler, Régis Debray et Alain Finkielkraut), surgit l’idée qu’il soit contraire à notre vision universaliste que l’on puisse imposer aux femmes de cacher leurs cheveux à cause du désir sexuel des hommes. Ce cri fut réprouvé par Danielle et François Mitterrand avec cette terrible phrase rapportée:

«Vous êtes intolérante! Moi je les trouve charmantes, ces petites, avec leur foulard…»

François Mitterrand, propos rapportés, novembre 1989, Le Monde, 20/06/2016

Elle ne pardonne pas à Lionel Jospin, ministre de l’Education, de dire en cette occasion à la tribune de l’Assemblée Nationale: «Nous essaierons de les convaincre d’ôter ce signe religieux, mais, si elles ne veulent pas, nous les accepterons».
Ce qui fait que in fine, après que le Conseil d’Etat ait donné, le 27 novembre 1989, un avis favorable du port du voile, la décision revenait, non aux chefs d’établissement, mais aux parents, qui avaient le dernier mot. L’ironie de cette affaire retentissante veut que ce soit le roi du Maroc Hassan II soit intervenu personnellement pour les filles retirent leurs voiles, deux mois après les faits.

Contrairement à décembre 1905 où la Loi fut votée contre une religion majoritaire, cette fois il s’agissait d’une minorité. Et c’est ce qui fait une différence de paradigme.
Pour autant, le nombre de femmes portant le voile islamique n’a, depuis cessé d’augmenter au rythme de la montée de l’intégrisme. Et, effet induit, ce communautarisme musulman a également renforcer, en miroir, celui des communautés juives, et dans une moindre mesure, celui des catholiques.

« Pour avoir la paix, on pense qu’il suffit de nier les problèmes »

Elisabeth Badinter, Marianne, octobre 2020

Elisabeth Badinter ne pardonne pas à la gauche de s’être couchée face aux dérives communautaires musulmanes de peur de passer pour anti-immigré. La peur de pouvoir être assimilé au discours de Jean-Marie Le Pen, le diable incarné pour ce camp-là avec lequel il fallait se détacher le plus possible.

Elle ne pardonne pas à Jack Lang et Danielle Mitterrand, qui lui reprochait de condamner l’excision et la polygamie. Elle ne pardonne pas à la gauche d’avoir confondu la « diversité culturelle » avec le communautarisme.

Elle ne pardonne pas à la gauche d’avoir pris le train de l’islamophobie sans y voir une pure construction victimaire, instrumentalisé par la religion, dans ce qu’elle a de plus fondamentaliste.

Elle ne pardonne pas à la gauche de s’être abstenus massivement sur l’interdiction du voile intégral en mars 2004, même si ce n’était pas sur une base religieuse, mais pour la sécurité publique (voir l’audition d’Elisabeth Badinter à ce sujet). Et de voir Daniel et Gabriel Cohn-Bendit écrire dans la revue Commentaire n°104 « Pour le voile » en comparant ce combat à celui de mai 68. Comme sur le port du voile islamique dans les sorties scolaires, que le pouvoir s’est révélé impuissant, encore récemment, à interdire.


« Cela ne peut plus se régler dans le pacifisme »

Aujourd’hui, les défenseurs de la laïcité, puisée à sa source sont souvent présentés comme des laïcards, ou des laïcistes (y compris par Emmanuel Macron en 2016). Et pourtant elle est la condition de l’avenir du pays.

« Il y a une telle exaspération qui monte à l’égard des exigences des uns et des autres, de la constitution de séparatismes culturels revendiqués – par exemple pour éviter de côtoyer «l’impureté» – que l’observation rigoureuse des règles laïques va redevenir un impératif pour le bien commun, pour vivre en paix les uns avec les autres. »

Elisabeth Badinter, Marianne, octobre 2020

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