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Mathieu Bock-Côté: Relire le terrorisme intellectuel

Mathieu Bock-Côté est un sociologue canadien né en 1980. Là-bas, il est considéré comme un nationaliste conservateur. Il a publié sept livre, dont le dernier en date s’appelle L’empire du Politiquement correct (Ed. du Cerf, 2019). Après avoir écrit écrit dans le Figaro, à la Revue des Deux Mondes ou sur son blog des tribunes remarquables, dernièrement il a accepté de participer à la revue de Michel Onfray, Le front populaire (voir vidéo en bas d’article). Sur Twitter, il a donné en libre accès un de ses articles de février 2020 intitulé : « Relire le Terrorisme intellectuel » (livre de Jean Sévilla, de 2000) que nous restituons ici :


Il y a quelques armées à peine, une étrange rumeur circulait dans les rédactions parisiennes : la droite aurait remporté la bataille des idées. Elle serait désormais hégémonique et tous devraient s’en inquiéter. Il n’en était évidemment rien : le progressisme demeure la référence obligée dans le système médiatique. C’est lui qui détermine les paramètres de la réflexion collective autorisée. Ce discours alarmé recouvrait toutefois une réalité indéniable: nous avons assisté depuis un temps à l’apparition d’une critique de plus en plus affirmée de l’empire du politiquement correct.

Structurellement minoritaires, condamnés à toujours justifier leur existence, soupçonnés des pires sentiments, les intellectuels qui s’y associent ont néanmoins conquis un espace significatif. On ne saurait faire semblant que ce n’est rien. Des idées qui nous semblent aujourd’hui courantes étaient condamnées aux marges les plus infréquentables. De ce point de vue, la relecture du Terrorisme intellectuel (Éditions Perrin), un remarquable essai de Jean Sévillia, paru en février 2000, et dont on devrait célébrer les 20 ans ces jours-ci, permet de revenir aux premiers moments de ce qu’on appellera aujourd’hui la dissidence conservatrice.

Le journaliste et historien racontait au fil des modes idéologiques l’emprise d’une caste intellectuelle sur le débat public. Retraçant ses délires successifs avec une documentation abondante, il notait très justement la persistance de l’intelligentsia dans l’erreur, s’expliquant essentiellement par sa fascination pour l’utopie. Toujours à la recherche d’une société nouvelle, purgée du mal, elle s’en veut à Pavant-garde et fantasme d’en finir avec ceux qu’elle voit comme des ennemis de l’humanité. On parlait alors de la pensée unique. Sévillia dévoilait un système de domination fondé sur la disqualification systématique des contradicteurs. Pour emprunter ses mots,

«C’est un système totalitaire. Mais d’un totalitarisme patelin, hypocrite, insidieux. vise à ôter la parole au contradicteur, devenu une bête à abattre».

D’une époque à l’autre, la ressemblance est frappante. Sites enjeux changent, la structure intellectuelle, qui est celle d’un antifascisme dévoyé, demeure la même. Avant-hier, l’anticommuniste était un chien. Ce fut ensuite le tour du patriote, ayant le mauvais goût de ne pas applaudir la construction européiste, l’immigration massive et un antiracisme devenu fou. C’est aujourd’hui le tour de l’homme qui confesse son scepticisme devant l’abolition des grands repères anthropologiques. Sévillia notait finement la difficulté de l’intelligentsia à comprendre «la nation, la religion, l’histoire». Elle préfère le fantasme d’une humanité indifférenciée à la diversité des peuples et des civilisations. ll terminait d’ailleurs son ouvrage en affirmant que la question nationale était «le grand débat de notre temps» constatait parmi les premiers l’émergence de nouveaux clivages appelés à lui donner forme politiquement.

Très sévère envers ce qu’on appelle aujourd’hui le gauchisme culturel, il n’épargnait pas non plus le marché qui » broie ce qui l’entrave: les États, les nations, les familles, les religions, tout ce qui résiste à l’atomisation généralisée. La sociologie dominante continue de tenir pour négligeables les différences culturelles, comme s’il était indécent de les mentionner. Sévillia, ensuite, racontait la faillite intellectuelle et morale de l’intelligentsia sur un demi-siècle.

On retiendra de cette relecture une première observation: il était possible de savoir alors ce qui se passait en France. Ceux qui découvrent tout juste la réalité d’une société décomposée avec un air ébaubi et invitent la gauche à s’en emparer devraient avoir l’humilité de reconnaître qu’ils arrivent bien tard avec ce constat. On en retiendra une seconde : l’hégémonie de la gauche idéologique repose sur un conditionnement qui s’est opéré sur plusieurs décennies et qui repose plus largement sur une lecture de l’histoire tronquée qui lui donne toujours le bon rôle. Chacun, pour s’en extraire, doit s’arracher à un marécage mental qui étouffe la pensée et faire preuve d’un courage qui ne va pas de soi.

Où en sommes-nous vingt ans plus tard ? On l’a dit, un certain espace s’est dégagé. Ne croyons pas qu’il a été concédé de bonne guerre par nos progressistes, soudainement éclairés par les vertus du pluralisme politique. C’est le réel qui pénètre de force dans le système médiatique, qui continue, néanmoins, à chercher à l’en expulser. La traque au dérapage demeure une pratique quotidienne et le terrorisme intellectuel est encore pratiqué par les commentateurs qui « extrême-droitisent » et « phobisent » la moindre expression du sens commun. Mais la révolte des peuples est commencée. Et l’intelligentsia continue de snober ceux qui osent nommer le monde tel qu’il est. Qui en est vraiment surpris ? 

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