Haïr la Loi Avia, un salut démocratique

Nous avions déjà évoqué la loi Avia la semaine dernière, ce big brother à la française. Pour l’ex-magistrat Philippe Bilger, il faut « haïr la loi Avia« , qui regroupe une « mauvaise cause » et une disposition législative « dangereuse », « préjudiciable à la démocratie ». Sur son blog, le 17 mai 2020, il synthétise avec un style tranchant tous ces écueils:

Avoir confié à Facebook, à Twitter et à YouTube la mission de supprimer les « contenus haineux » que les utilisateurs leur signaleront est une erreur. (…) Ce qui aurait dû relever de l’autorité judiciaire lui a été soustrait par une loi liberticide. On privatise au profit de puissances équivoques la transparence et l’équité du regard public. (Justice au singulier, par Philippe Bilger)

Le coup de semonce du – d’ordinaire – calme et réfléchi président de l’Institut de la Parole donne le ton de la dangerosité de ce texte, passé sous les radars du grand public à cause de la Loi d’urgence sanitaire. Dans son billet, Bilger reprend le constat du côté de Vincent Trémolet de Villers, directeur adjoint du Figaro:

« Ces plateformes qui vivent de l’information sont dégagées de toutes les responsabilités que la loi impose aux journaux, radios et télévisions. La réponse? Plutôt que d’appliquer nos lois à ces médias masqués, la majorité a décidé de faire basculer notre droit dans la machinerie des Gafam. Google, Facebook, Twitter doivent faire le ménage chez eux avant même que le juge ne se prononce. Pour éviter l’amende, c’est écrit, leur censure sera préventive« . (Le Figaro, 13 mai 2020)

A l’avant-garde de la lutte contre cette loi, on trouve plusieurs figures du débat intellectuel, comme l’écrivain François Sureau:

« La haine relève du for intérieur. Elle ne saurait pour cette raison faire l’objet d’une répression pénale. Cette considération de bon sens est en train de céder comme les autres. Le législateur s’arroge désormais le droit de pénétrer dans les consciences, et que celles-ci soient mal inspirées ne change rien à l’affaire »(Le Figaro Vox, 17 juin 2019)

Pour le philosophe Michel Onfray, il s’agit du premier pas vers un fascisme progressiste:

« Je crains (enfin, façon de parler, car en réalité j’en suis sûr et certain), que cette loi ne soit qu’une arme du politiquement correct pour que l’Etat profond puisse imposer massivement sa censure afin d’interdire définitivement et légalement toute pensée libre, tout débat libre, toute réflexion libre, toute pensée originale, tout point de vue autonome et indépendant. D’aucuns qui ont sans cesse à la bouche la référence aux années trente m’interdisent de les invoquer, mais ça n’est pas l’envie qui me manque ». (Site de Michel Onfray, 23 janvier 2020)

Pour Samuel Lafont, du site Damoclès, dont la pétition contre la loi a atteint 57.000 signataires:

« Le gouvernement donne parfois l’impression de tester en permanence votre capacité à avaler des couleuvres (…) Ils viennent de réussir une autre tentative, législative, cette fois-ci. (…) Sous prétexte de lutter contre « la haine », ils cherchent à faire main basse sur ce territoire qui leur échappe encore : internet. Bien sûr, ce qui constitue un message «manifestement haineux» n’est jamais clairement défini. C’est le propre de la novlangue de pouvoir dire tout et son contraire par simplification des mots ».


Le 13 mai 2020, le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau a annoncé que son groupe allait saisir le Conseil constitutionnel, un texte liberticide (NDLR: pour en savoir plus sur la polémique sur le vote des députés LR en première lecture, voir l’interview de Julien Aubert dans notre autre article).


Avis de décès de la liberté d’expression

Pour finir, et avant que l’humour ne soit, pourquoi pas, battu en brèche par de nouveaux algorithmes, voici l’avis de décès de la liberté d’expression que j’ai rédigé :

La cérémonie des funérailles sera organisée sous le haut patronage de la CEDH, de l’ONU et de l’UNESCO, sous les auspices de recteur de la Grande mosquée de Paris.
Le cercueil sera porté par des représentants de Facebook, Twitter, Google et de Libération (pour la France).
La cérémonie sera présidée par Emmanuel Macron, en personne en présence de Laetitia Avia, François Bayrou et Jean-Christophe Lagarde.
On remarquera au premier rang la présence notable des représentants des médias, de la culture et de l’Éducation nationale pour la pensée unique le politiquement correct.
Enfin il est à signaler que, compte tenu de l’importance de la cérémonie, cette dernière a été sponsorisée par l’Arabie Saoudite et le Qatar, en dépit de leurs difficultés financières actuelles, nous tenions à les remercier…

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